Patients de plus de 80 ans, délai supérieur à 4,5 heures
Bien davantage d’AVC deviennent éligibles à la thrombolyse
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Deux études présentées à l’European Conference à Lisbonne et publiés dans le « Lancet » suggèrent que le délai de la thrombolyse pourrait être étendu jusqu’à six heures après un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique et que les patients âgés de plus de 80 ans pourraient être éligibles à l’altéplase. Le bénéfice maximal reste néanmoins obtenu pour une administration dans les trois heures.
LES INDICATIONS DE LA THROMBOLYSE ne cessent de s’élargir. Alors que la fenêtre thérapeutique après un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique est passée de 3 à 4,5 heures en 2008, deux nouvelles études présentées à l’occasion de l’European Conference à Lisbonne vont plus loin. Selon l’essai contrôlé IST-3 (1) qui a inclus 3 035 sujets dans plus de 12 pays et une métaanalyse (2) actualisée qui a sélectionné 12 études, y compris l’IST-3, l’un et l’autre étant sous la coordination de professeurs de l’université d’Édimbourg, respectivement les Prs Peter Sandercock et Joanna Wardlaw, il serait bénéfique d’étendre l’indication de l’altéplase (rt-PA) aux sujets âgés de plus de 80 ans et d’allonger le délai d’intervention au-delà de 4,5 heures, possiblement jusqu’à 6 heures après l’AVC. Alors que les preuves scientifiques s’accumulent en faveur d’une utilisation élargie, le Pr Didier Leys et le Dr Charlotte Cordonnier, neurologues à l’hôpital Roger-Salengro de Lille, font remarquer dans un éditorial (3) que l’attitude des urgentistes « n’est plus désormais d’identifier les patients à qui il faut donner de l’altéplase, mais d’identifier les quelques-uns à qui il ne faut pas le faire ».
Survie sans dépendance.
Les bénéfices de la thrombolyse ont été observés sur la survie sans dépendance, le degré de handicap ayant été mesuré à l’aide d’échelles de référence, l’« Oxford Handicap scale » (score de 0 à 2) dans IST-3 et la « modified Rankin scale » (score de 0 à 2) dans la métaanalyse. Pour la mortalité, les conclusions sont un peu moins évidentes. Si le risque de complication hémorragique et la mortalité précoce sont modérément augmentés à 7 jours, les choses se contrebalancent par la suite. Alors que l’IST-3 conclut à une mortalité identique à 6 mois entre le groupe thrombolyse et le groupe placebo, la métaanalyse se prononce même en faveur d’un gain de 17 % de survie sans dépendance au terme du suivi. En valeur absolue, l’amélioration se traduit par 42 sujets vivants indépendants supplémentaires pour 1 000 patients traités.
Autre point marquant, les sujets âgés de plus de 80 ans deviendraient candidats à la thrombolyse, puisque l’étude IST-3 en a inclus 53 % parmi les participants et que la métaanalyse retrouve des résultats au moins aussi bons que chez les plus jeunes, en particulier en cas de traitement précoce. Pour un délai inférieur à 3 heures, il y aurait 96 sujets vivants indépendants supplémentaires pour 1 000 patients traités, par rapport à 87 tous âges confondus. Quel que soit l’âge, plus l’intervention est précoce, idéalement dans un délai inférieur à 3 heures, meilleur est le pronostic.
Critère du déficit cognitif.
Si la limite d’âge est repoussé au-delà de 80 ans, les neurologues lillois soulèvent une question « de première importance », celle posée par le statut cognitif. En effet, « les sujets ayant un déficit cognitif préexistant ont souvent des lésions de la substance blanche, des infarctus silencieux et des microsaignements cérébraux, qui prédisposent à la transformation hémorragique ». En sus d’un risque hémorragique plus élevé, les patients âgés pourraient être plus sensibles aux effets toxiques de l’altéplase sur les tissus ischémiques, « particulièrement en cas de trouble cognitif, en raison (...) d’une plus grande susceptibilité à n’importe quelle agression ». L’influence d’un déficit cognitif préexistant est en cours d’évaluation en France et au Japon dans l’essai OPHELIE-COG.
Pour les auteurs d’IST-3, les limites exactes de la fenêtre thérapeutique ne sont pas clairement définies. Si les bénéfices maximaux sont obtenus pour une administration précoce, il semble que le délai aille au-delà de 4,5 heures, voire jusqu’à 6 heures pour certains patients« probablement en fonction de caractéristiques individuelles » restant à déterminer. La prévention du risque hémorragique est un objectif prioritaire, entre autres en testant des doses alternatives d’altéplase à celle standard de 0,9 mg/kg, d’autres voies d’administration, d’autres thrombolytiques ou encore la thrombolyse mécanique. La survie sans dépendance à très long terme sera déterminante et, à ce titre, les résultats d’IST-3 à 18 mois sont attendus avec impatience.
› DR IRÈNE DROGOU
Lancet, 23 mai 2012 (1) DOI:10.1016/S0140-6736(12)60768-5 (2) DOI:10.1016/S0140-6736(12)60738-7 (3)DOI:10.1016/S0140-6736(12)60822-8
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